Quand le corps parle à la place des émotions

Le lien entre stress, système nerveux et douleur chronique

“Et si votre douleur était liée au stress ?”

C’est une phrase que j’ai moi-même entendue un jour, presque en passant, lors d’un rendez-vous chez un ostéopathe.
Il m’a dit : “Vous savez, ce signal MODIC… il est probablement lié au stress.”

Et même si cette phrase peut sembler anodine, elle a planté une graine.

On sait intuitivement que le stress a un impact sur notre corps.
Quand notre dos se bloque, quand les maux de tête s’installent… on fait souvent le lien avec une période difficile.

Mais avec le recul, je me rends compte qu’on approche ce lien de loin.
On ne mesure pas toujours à quel point ce que l’on vit — et la façon dont on y réagit intérieurement — peut laisser une empreinte bien plus profonde sur notre corps.
Les émotions exprimées, celles contenues, les tensions invisibles… tout cela participe à notre physiologie, souvent à notre insu.

Le stress n’est pas “dans la tête” : c’est un état du système nerveux

On parle souvent du stress comme d’un sentiment ou d’un état d’esprit.

Mais en réalité, le stress est d’abord un mécanisme d’adaptation de notre corps et de notre physiologie dans une perspective de survie. Il active notre système nerveux autonome, celui qui régule les fonctions vitales sans que l’on y pense : rythme cardiaque, respiration, digestion…

Lorsque ce système perçoit un danger ou une pression, même subtils, il passe en mode protection. C’est un réflexe pour assurer notre protection : fuir, combattre ou s’immobiliser.

Dans ce mode, on observe souvent :

  • une accélération du rythme cardiaque

  • une respiration plus courte et plus haute

  • une tension musculaire diffuse

  • une focalisation mentale sur le danger potentiel

  • une mise en veille des fonctions non essentielles (comme la digestion ou la réparation cellulaire)

Si cet état devient chronique, ou s’il s’installe à bas bruit, le corps s’adapte… mais à ses dépens. Il devient plus réactif, plus sensible, parfois moins capable de revenir à l’équilibre.

Et dans ce contexte, le système nerveux peut commencer à interpréter des signaux neutres comme menaçants.
C’est ce qu’on appelle la sensibilisation. Une simple tension musculaire, une émotion non exprimée, ou un souvenir sensoriel peuvent alors réactiver la douleur, même sans lésion.

Quand le stress devient chronique, le corps compense

Notre organisme possède une formidable capacité d’adaptation. Face à une menace, un choc, une surcharge émotionnelle, il mobilise toutes ses ressources pour nous maintenir en équilibre. C’est ce qu’on appelle l’homéostasie.

Mais quand le stress devient :

  • constant (travail, charge mentale, vie instable)

  • sous-jacent (tension diffuse, insécurité intérieure permanente)

  • non exprimé (émotions contenues, chocs non digérés)

  • ou lié à des événements passés non intégrés (deuils, ruptures, traumas anciens)

Alors le corps, faute de pouvoir libérer cette charge, peut la traduire autrement.

Il compense.
Il encaisse.
Il encode.

Et un jour, ce stress qui est devenu latent peut créer des symptômes, des tensions, de la fatigue ou de la douleur.

Ces manifestations qu’on appelle parfois “‘somatiques”, ne sont pas une faiblesse du corps mais plutôt une tentative de survie, un message qu’il envoie : “Quelque chose doit être vu, entendu, libéré.”

Et dans le cas de douleurs chroniques sans cause organique claire, ce message mérite d’être écouté et accueilli plutôt que combattu sous peine de renforcer les signaux de stress.

Et dans la vraie vie, ça donne quoi ?

Ce lien entre stress, émotions et douleur n’est pas qu’une théorie. Il se retrouve dans de nombreux parcours de vie, souvent sans que la personne n’en ait eu vraiment conscience.

Certaines personnes décrivent une sensation d’être “toujours sur le qui-vive”, ou de ne jamais réussir à se détendre complètement. D’autres ont “tenu bon” pendant des années, en mettant de côté leurs besoins, leurs émotions ou leur fatigue, jusqu’à ce que le corps dise stop.

Il est aussi fréquent que la douleur chronique s’installe après un événement de vie intense : deuil, rupture, surcharge, transition, ou même après une période de grand stress “géré en apparence”.

Ce n’est pas une règle absolue, mais un terrain fréquent dans les douleurs d’origine neuroplastique.
Et quand ces éléments sont présents, les approches corps-esprit méritent d’être explorées, en complément du parcours médical.

Revenir à soi : la régulation plutôt que le contrôle

Quand on souffre, le réflexe est souvent de vouloir maîtriser, comprendre, contrôler.
Mais face à un système nerveux en alerte, ce dont le corps a le plus besoin, c’est d’apprendre à se sentir en sécurité.

Et cela ne passe pas toujours par le mental.

Ce que je constate souvent chez les personnes que j’accompagne — et que j’ai moi-même vécu dans mon propre parcours — c’est que même lorsque l’on a compris intellectuellement que le stress pouvait être à l’origine de notre état physique, tant que cette compréhension ne s’est pas incarnée dans le corps, elle ne peut pas vraiment nous libérer.

La régulation du système nerveux consiste à réinformer le corps qu’il n’est plus en danger.
Ce sont de petits gestes, des micro-pratiques, qui envoient un signal de sécurité au système nerveux autonome.

Voici quelques pistes simples :

  • une respiration consciente, douce et régulière

  • des mouvements lents, sans enjeu ni performance

  • des moments de connexion sensorielle : chaleur, lumière, texture, nature

  • des espaces où l’émotion peut circuler, sans devoir se justifier

  • un contact avec ce qui apaise, répare, nourrit

Ce ne sont pas des solutions miracles mais plutôt des semences, des signaux répétés, au quotidien, qui aident le corps à sortir du mode “survie”, pour retrouver un espace de présence, de fluidité — et parfois, un réel soulagement.

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Le potentiel caché des douleurs neuroplastiques